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Fiction et réalité policière

Dernière mise à jour : 17 avr.

Premier article d’une rubrique de Jean-Paul Ceccaldi qui délivrera des suites pour ne pas trop en dire d’un seul coup. Ce sera donc feuilletonné…



Le terme « Flic » est fréquent dans les romans policiers. Son origine est-elle connue ? J’ai une explication. Sous l’Ancien régime, l’armée engageait des soldats de métiers français ou étrangers. A l’époque de Louis XIV, le lieutenant La Reynie, ancêtre des Préfets de police, recruta un bataillon d’Ecossais pour remplacer le guet moyenâgeux. C’est ce bataillon d’Ecossais qui était chargé d’assurer la sécurité de Paris. Ils étaient munis d’une sorte de badine appelée « Flick » en patois écossais. Les Parisiens les ont appelés du nom de ce bâton, devenu leur signe distinctif et l’emblème de leur pouvoir de police. Il y a d’autres sobriquets comme «bourre, cogne, argousin, roussin, poulet, condé, keuf, babylone, schmit… » Celui que je préfère est de Marseille. Il n’est pas très connu si ce n’est par de vieux truands marseillais. Il s’agit de «baffi » qui en argot signifie aussi moustaches et correspond à l’image jaunie des policiers qui, tels les Dupont et Dupont de Hergé, se déplacent par deux et ont tous des moustaches. On dit 22 les flics, car, selon l’adage les flics vont par deux. C’est le minimum requis pour intervenir en toute sécurité. Toutefois, le policier peut agir seul car des enquêtes ou des parties d’une enquête ne nécessitent qu’un travail individuel. Ensuite l’effectif engagé va dépendre du travail à effectuer et des risques encourus.

Pour mémoire, le terme " police " recouvre deux concepts étroitement liés : d’une part, l’ensemble des prescriptions imposés aux citoyens en vue de la sauvegarde de l’ordre public ; d’autre part, l’ensemble des services chargés de faire respecter ces prescriptions. Dans une démocratie, les prescriptions sont votées par le Parlement et le Sénat (les lois) ou édictées par des élus qui sont détenteurs d’un pouvoir exécutif local ou national (les règlements). La démocratie est le seul cadre légitime de l’action des policiers.

De façon liminaire, la mission de police judiciaire en droit commun est accomplie en France principalement par trois services. Deux d'entre eux, qui sont appelés l'un «sécurité publique » et l'autre «police judiciaire » appartiennent à la police nationale, administration civile dépendant organiquement et fonctionnellement du ministère de l’intérieur. Le troisième est la gendarmerie nationale, corps militaire dépendant organiquement du ministre de la Défense, mais dont l’emploi policier et judiciaire relève de la responsabilité du ministre de l’Intérieur.

En ce qui concerne le personnel actif de la police nationale, il a fait dans les années 1990 l’objet d’une réforme importante qui a réuni les corps de la tenue et des civils, séparés jusque-là. Les appellations d’inspecteur de police (civil) et d’officier de paix (tenue ) ont été supprimées. Aujourd’hui, on distingue les grades suivants : gardien de la paix, brigadier, major, lieutenant, capitaine, commandant, commissaires et contrôleurs généraux. Le personnel chargé des missions judiciaires se divise en officiers de police judiciaire (O.P.J.) et agents de police judiciaire (A.P.J.). Donc, en marge de la hiérarchie administrative, il existe des habilitations données par la Justice. Des policiers sont Agents de police judiciaire et d’autres Officiers de police judiciaire habilités dans le ressort local, régional ou national de leur mission judiciaire. Seul l’OPJ peut user des mesures coercitives (garde à vue, fouille, perquisition.) et comminatoires (réquisitions…) Seul, il peut exécuter les commissions rogatoires des juges d’instruction. L’APJ assiste les OPJ. Il peut dans le cadre d’enquêtes préliminaires et de flagrant délit procéder à des investigations et des auditions sans user de moyen coercitif.

Tous les policiers sont APJ dans le ressort de leur mission et l’habilitation comme OPJ peut être donnée à partir du grade de gardien de la paix.

Sans entrer dans les détails, il y a trois cadres juridiques des enquêtes judiciaires. D’abord, il y a l’enquête de flagrant délit… L’infraction vient tout juste de se commettre et le policier dispose de quelques jours pour enquêter avec tous les moyens coercitifs que lui confère le code de procédure pénale. Il peut fouiller à corps, mettre en garde à vue, perquisitionner, réquisitionner par écrit… mais tout cela avec l’obligation d’avertir le Procureur de la république ou l’un de ses substituts et de le tenir informer du déroulement de la garde à vue et de l’enquête

Ensuite, lorsqu’il n’y a pas flagrance, c’est le Procureur de la République qui doit ordonner par écrit l’enquête dite préliminaire. L’enquêteur ne peut pas interpeller par la force mais peut user des prérogatives de la garde à vue et perquisitionner avec l’assentiment du mis en cause. Dans ce cas, le mis en cause est convoqué. S’il ne se présente pas à la convocation, le Procureur peut ordonner son interpellation par la force. Il faut d’abord constater le refus de se présenter à la convocation et l’absence de motif valable pour la carence.

Enfin, l’enquête sur commission rogatoire qui est délivrée par un juge d’instruction dans la mesure où une information judiciaire a été ouverte par le Procureur de la République et que le juge en est saisi. C’est le magistrat instructeur qui prescrit, par délégation de pouvoir, des actes d’enquêtes avec un délai d’exécution. Pour agir hors de France, un OPJ ne peut le faire que sur commission rogatoire internationale délivrée par un Magistrat et avec l’accord du pays étranger reçu par voie diplomatique. Il sera alors assisté sur place par un policier du pays d’accueil qui sera seul habilité à exercer les actes de procédure demandés dans la C.R.I (Commission Rogatoire Internationale )

Dans le cadre de délits et crimes de droit commun, la garde à vue est de 24 H heures renouvelable pour une deuxième période de 24 Heures. Les délais sont plus longs jusqu’à quatre jours pour les affaires de stupéfiants et de blanchiment. En France, il n’existe pas de mandat de perquisition. Par contre, il existe des mandats permettant des interpellations et des incarcérations : ce sont les mandats d’amener et les mandats d’arrêts délivrés par les magistrats.

Le travail judiciaire du policier est contrôlé à plusieurs niveaux. Il fait un métier hiérarchisé. D’abord, il est au sein d’un groupe avec un chef de groupe. Au-dessus, à chaque échelon des services, il y a un chef. Cette hiérarchie administrative, à chaque étage des structures internes, veut être renseignée, donne des directives, surveille les fonctionnaires et évalue leur travail. Sur les seuls actes qui relèvent de sa décision, l’OPJ engage sa responsabilité A cet égard, même si l’OPJ est soumis à un pouvoir hiérarchique par ses fonctions administratives et au pouvoir décisionnel des Magistrats par ses missions judiciaires, on ne peut lui imposer l’usage des moyens coercitifs comme une interpellation, une mise en garde à vue, une perquisition ou une saisie judiciaire en dehors de prescriptions écrites faites par un magistrat. Toutefois, de façon plus générale, il ne peut et ne doit agir que dans la légalité républicaine, «pour et en vertu des lois de la République». Il doit donc se refuser à tout acte illégal. Il est responsable du placement en garde à vue et de son déroulement.

Pourquoi cette présentation succincte ? Simplement pour mettre en évidence que, contrairement aux héros des polars, un policier n’est pas un électron libre : il agit en fonction de lois votées et de règlements, sous la direction d’une hiérarchie et sur les prescriptions des magistrats. Lorsqu’il engage sa responsabilité et en cas d’infraction ou de faute professionnelle, il risque des sanctions judiciaires aggravées par sa qualité et des sanctions administratives qui vont du simple avertissement jusqu’à l’exclusion temporaire ou définitive. Les devoirs et les manquements des policiers font l’objet d’un code de déontologie. Le respect de ce code fait l’objet d’enquêtes administratives. Ceux qui ont lu Vargas et Mankel (pour en citer deux) auront noté que les commissaires Adamsberg et Wallander, comme d’autres héros de papier, ont des collaborateurs. C’est conforme à la réalité. Le policier n’est pas un solitaire. Tout ne s’apprend pas dans les livres et c’est vrai pour le métier de policier. Je reviens à Wallander. C’est son collègue Rydberg qui a fait de lui un policier en lui apprenant à poser les bonnes questions et l’art difficile de déchiffrer le lieu d’un crime. Il continue des conversations silencieuses avec son maître lorsque, dans une enquête complexe, il ignore comment orienter son travail.

A SUIVRE



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