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Le banditisme corse : raccourci historique.

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Le banditisme corse est une réalité ancrée dans l’histoire de l’île, marquée par une évolution des pratiques criminelles, des figures emblématiques et des liens avec la politique, le grand banditisme continental et le crime organisé international. Le banditisme en Corse de 1930 à nos jours est un phénomène complexe, marqué par des évolutions sociales, économiques et politiques. Voici une synthèse succincte couvrant cette longue période, un raccourci sur un sujet complexe.



Années 1930-1950 : Le banditisme traditionnel

Dans les années 1930, le banditisme corse repose sur des figures légendaires, souvent issues de la vendetta et du maquis. La Corse de l'entre-deux-guerres est une société rurale et montagnarde, marquée par la pauvreté et l'isolement. Le banditisme est souvent lié à des vendettas familiales ou à des conflits locaux.

Des bandits célèbres comme Spada ou Romanetti incarnent cette époque où les hors-la-loi sont parfois perçus comme des justiciers locaux. L’île est marquée par une culture du règlement de comptes, du refuge dans le maquis et d’une certaine impunité due à la faiblesse des forces de l’ordre face à un terrain difficile et à une population parfois complice.

Ce banditisme est relativement limité géographiquement et socialement, mais il contribue à forger une image de la Corse comme une terre de violence et de résistance.

Après la Seconde Guerre mondiale, le banditisme évolue avec l’émergence d’une économie parallèle liée à la contrebande (tabac, alcool) et à l’implication de Corses dans la pègre marseillaise.


Le Corse Paul Carbone et l’Italien François Spirito sont deux véritables mythes, inspirateurs de nombreux films et romans. Dans le Marseille des années 20, 30 et 40, Carbone et son associé italien Spirito étaient les rois. Parallèlement à leurs activités criminelles traditionnelles –proxénétisme, racket, contrebande –, ils mettent en place les bases de la French Connection en étant les premiers à importer de l'opium en France pour le transformer en héroïne avant de l'expédier aux États-Unis. Les parrains et les nervis des générations suivantes, liés de près ou de loin à certains élus peu scrupuleux, ne feront que suivre leurs traces.


Années 1950-1970 : Ascension du crime organisé corse

La modernisation économique et l'exode rural bouleversent la société corse. Le banditisme évolue, s'organisant davantage autour du vol, du braconnage et du racket.

La période d’après-guerre voit l’essor des milieux corses sur le continent, notamment à Marseille, avec des figures comme les frères Guérini. Ils dominent le milieu marseillais et s’impliquent dans la politique et les jeux clandestins.

Dans les années 1960, les Corses prennent de plus en plus de place dans le trafic international d’héroïne, notamment avec la célèbre French Connection, un réseau d’exportation d’héroïne vers les États-Unis via Marseille. De nombreuses figures du crime organisé corse, comme Paul Mondoloni ou François Scaglia, jouent un rôle central dans ce trafic.

Dans les années 1970, le banditisme commence à se mêler aux revendications nationalistes. Certains bandits se présentent comme des défenseurs de l'identité corse.

Des personnages comme Jean-jé Colonna, Jacques Mariani, Marcel Francisci (impliqué dans le milieu criminel marseillais) et d’autres illustrent cette transition.


Années 1970-1990 : Montée du nationalisme et du grand banditisme

L’émergence des mouvements nationalistes corses dans les années 1970 modifie le paysage criminel. Le FLNC (Front de Libération Nationale de la Corse), créé en 1976, prône la lutte armée pour l’indépendance de l’île et mène de nombreuses actions violentes (attentats, braquages, rackets).

Parallèlement, le grand banditisme corse continue de prospérer, en particulier dans le domaine du racket, des jeux clandestins et du trafic de drogue. On assiste à l’apparition de groupes criminels structurés, comme le gang de la Brise de Mer, qui se spécialise dans les braquages spectaculaires et le blanchiment d’argent dans des établissements de jeux en Corse et sur la Côte d’Azur.

Les années 1980 voient l'émergence de groupes nationalistes armés. Le banditisme se politise, se structure et noue des liens avec le crime organisé. Attaques de banques, extorsions, trafics divers (armes, cigarettes, etc.) et blanchiment d'argent se développent. Les bandits sont souvent perçus comme des "Robin des Bois" par une partie de la population.


Cette période est marquée par une escalade de la violence, avec des assassinats ciblés et des règlements de comptes. La fin des années 1980 est marquée par des règlements de comptes sanglants entre les différentes factions, notamment entre le milieu nationaliste et les truands du grand banditisme.

Années 1990-2010 : Guerre des clans et mainmise sur l’économie corse

Les années 1990 sont particulièrement violentes en Corse, avec une multiplication des assassinats dans le cadre de la lutte d’influence entre les bandes criminelles et les factions nationalistes.

Le gang de la Brise de Mer règne sur le crime organisé, notamment en contrôlant les cercles de jeux, les marchés publics et le blanchiment d’argent. Leur influence s’étend jusqu’à des réseaux internationaux. Mais les tensions internes et la pression policière entraînent une vague d’assassinats qui affaiblit progressivement le groupe.


Années 2000 à nos jours : Criminalité organisée et déclin relatif

Le banditisme perd en partie sa dimension politique. La criminalité organisée se recentre sur des activités économiques lucratives (immobilier, tourisme, trafics). Le blanchiment d'argent, les investissements dans l'économie légale et les trafics internationaux (drogue, armes) prennent le pas sur les activités traditionnelles. Les autorités françaises intensifient la lutte contre le crime organisé en Corse, avec des opérations policières et judiciaires importantes (ex. : opérations contre les clans criminels).

Le banditisme perd de son aura romantique, étant de plus en plus perçu comme une simple criminalité économique.

Dans les années 2000-2010, plusieurs figures du grand banditisme et du nationalisme corse sont éliminées. L’assassinat de Jean-Michel Rossi (ancien membre de la Brise de Mer) en 2000.

« La situation reste globalement la même depuis le milieu des années 2000, après la chute des deux principaux clans, la Brise de Mer en Haute-Corse et le clan de Jean-Jé Colonna en Corse-du-Sud, entre 2006 et 2009. Aujourd’hui, plusieurs petits groupes criminels cohabitent, avec des ramifications dans le monde économique et parfois politique. Ces structures peuvent nouer des alliances, dialoguer et s’associer, mais aussi s’affronter en fonction des rapports de force du moment ». (Jacques Follorou – corsenet.info du 1er Mars 2025 )



Depuis 2010 : Affaiblissement et recomposition

La répression policière et judiciaire s’intensifie contre le crime organisé corse, notamment avec le démantèlement progressif des structures criminelles historiques. Mais malgré la chute des grandes figures de la Brise de Mer et d’autres clans, la criminalité organisée reste présente, notamment dans :

Le trafic de drogue, avec des liens établis entre les mafias corses et internationales.

Le racket et les extorsions, en lien avec l’immobilier et le BTP.

Les jeux et le blanchiment, notamment à travers des casinos et entreprises locales.

Les règlements de comptes continuent, bien que moins visibles qu’auparavant, et la recomposition du banditisme insulaire est en cours.

Des bandes ont fait parler d’elles : celle du Petit bar à Ajaccio et les celles des bergers de Vescovato.


Extrait d’un article de Jacques Follorou ( Le Monde 29 août 2023 ) : 

« Le cinéma ne se nourrit pas que du passé, il prédit parfois l’avenir. C’est le constat de magistrats et de policiers spécialisés dans la lutte contre le grand banditisme corse. Plusieurs affaires en cours attestent du poids inédit pris, selon les policiers, par le « milieu maghrébin et gitan » au sein de la mafia insulaire. Une véritable révolution sociologique qui fait de ces anciens supplétifs une force à part entière, devenue essentielle. Un écho, aussi, au film Un prophète de Jacques Audiard, sorti en 2009, qui évoquait, déjà, la perte d’influence des Corses face aux Arabes au sein du banditisme ».


Enjeux actuels

Économie parallèle : Le banditisme reste ancré dans l'économie corse, avec des liens étroits entre légalité et illégalité.

Défis politiques : La question de l'autonomie ou de l'indépendance de la Corse continue d'influencer certains discours, même si le banditisme n'est plus un outil central des revendications nationalistes.

Image de la Corse : Le banditisme contribue à une image ambivalente de l'île, à la fois terre de traditions et de criminalité. Il alimente aussi l’imaginaire et sert de sujet à la création littéraire et cinématographique. Le polar corse, depuis une vingtaine d’année a donné des auteurs dont ceux de Editions Ancre latine dont certains sont à l’origie du festival du polar corse et méditerranéen dont la 19ème édition se tiendra à Ajaccio du 31 juillet au 2 août 2025.



Conclusion :

Le banditisme corse a évolué d’un modèle traditionnel rural et localisé à un crime organisé structuré et influent sur le plan international. Son implication dans la politique, le nationalisme et le grand banditisme continental a façonné l’histoire criminelle de la France. Si les grands clans d’autrefois ont perdu de leur superbe, de nouvelles formes de criminalité émergent, maintenant la Corse comme un acteur clé du crime organisé en Europe. Aujourd'hui, la criminalité moderne reste un défi pour les autorités, tout en étant profondément ancré dans l'histoire et la culture de l'île. Pour régner et durer, la mafia construit son mythe. En Corse, un comité antimafia s’est constitué et tente de le détruire. Aujourd’hui l’Etat semble l’avoir entendu et se concerte avec les élus insulaires pour lutter contre la dérive mafieuse, en s’en donnant les moyens. .

 

 
 
 

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