Il y a eu le polar jazzeux , feutré, ambiance whisky et petites pépées. Je pense à la musique de Lalo Schifrin dans les films où Clint Eastwood incarne l’inspecteur Harry Calahan. Cet acteur est connu pour son goût pour le jazz. D’autres musiques aux couleurs jazz-funk sont le parfait reflet des débuts des années 70. Elles s'intègrent dans l’actualité musicale qui avait cours et que l’on pouvait percevoir notamment dans les séries télévisées policières d’alors. Le contexte des nombreuses scènes urbaines du film profite également à ce genre de musique. Après les jeux rythmiques basse/batterie, voici venu le temps du polar rock « où les héros s'envoient des rails et baisent les étoiles ». Fort de ce beau constat, Sergueï Dounovetz, a créé la collection Polar rock chez Mare Nostrum ( Interview sur le site Fluctuat ). Il ajoute : « Il y a un lien direct entre le roman noir et le rock, le rythme de l’écriture, le style nerveux, la puissance de feu, la violence, le sexe, la défonce, la poésie et d’autres ingrédients que l’on retrouve dans ces deux cultures. »
Doriane Purple a écrit dans une chronique rockailleuse : « Rock, littérature, écriture : voici un des portails vers le centre névralgique de mes apparitions crépusculaires sur la toile de mes plaisirs littéraires et rockailleux... La poétique est un art qui ne se meut et ne s'approprie que par le truchement divin des neuf Muses. C'est une Euterpe moulée dans des jeans troués, brandissant avec rage une guitare électrique dans ses mains d'albâtre, qui se livre ainsi avec furie dans mes écrits. Mais toutes ces vociférations scripturales ne sont que de la littérature... »
Pour des auteurs de polars musiciens, musique et écriture sont liées au Rock’n roll, tout en vivant cette dualité en schizophrènes. Finalement «être rock’n roll » ne serait-il pas (entr’autres goûts déterminés par des origines socioculturelles) écouter cette musique et lire des polars ? Aujourd’hui, le lien entre la musique et le polar serait-il la crise d’adolescence qui , par la révolte, d’un mode de vie passe à une mode qui se prolonge en mode de vie dont la musique, la littérature et le cinéma sont des aspects culturels ? Aujourd'hui, si certains mettent du Rock dans leur polar, d'autres n'y mettent-il pas du rap et du slam? Les mots n'ont-ils pas leur propre musique? Un livre ne se regarde pas. On le lit, l'écoute et le savoure, le regard tourné vers l’intérieur : l'imaginaire. Comme la musique, il est un plaisir d'abord solitaire, un rythme intime.
Pour les images du Rock, on peut penser à James Dean et au film culte des années 50 «La fureur de vivre » qui fait découvrir aux américains leur jeunesse rebelle et délinquante. Le film montre le premier ado qui dit parfois aux parents qu’ils ont tort. De nombreux jeunes s’identifient à James Dean qui porte sur l’écran leur angoisse et leur colère jusqu’à la révolte. James Dean avait une blessure : la mort de sa mère alors qu’il avait 9 ans. Cette mort n’a pas été expliquée au gamin qu’il était et semble à l’origine de son mal de vivre et sa colère qui l’ont certainement aidé à créer son personnage d’adolescent rebelle. L’acteur deviendra un mythe en mourant dans un accident au volant de sa dernière voiture de course, une Porsche Spayder portant le n° 130. Il roulait face au soleil couchant lorsqu’un véhicule a coupé sa trajectoire le 30 septembre 1955. Il jouait dans le film Giant en cours de tournage. Son producteur l’avait pourtant interdit de conduite automobile jusqu’à la fin du tournage mais il n’a pu résister à la fatalité. Avec les voitures et la vitesse, la musique faisait aussi partie de sa courte existence puisqu’il jouait des Congas, notamment dans un bar branché d’Hollywood. Il incarne encore l’esprit Rock’n roll lorsqu’il dit à un ami : « Je ne vais pas traverser la vie avec un bras dans le dos. » Huit mois avant son décès tragique, il se faisait photographier dans un cercueil. Le film « La fureur de vivre » sortira dans les salles une semaine après sa mort. Les photos du film sont devenues légendaires et alimentent le mythe qui est devenu un produit de marketing comme l’est devenu celui du King Elvis Presley.
La littérature et la musique sont tributaires des modes. Toutefois, il y a les genres éphémères et ceux qui durent, qui sont les expressions des générations et de leurs révoltes. Dans cette dernière catégorie de genres qui durent, on peut classer le Jazz, le Rock’n roll, le Rhythm and Blues et le polar. Cela me fait penser à l'obsession, pour l’écrivain, d’écrire le grand roman d'une vie, d'une époque, peut-être d'une génération comme le personnage de l’auteur mexicain Juan Hernandez Luna dans son ouvrage "Fausse lumière" ( Collection L'atinoir de L'écailler - 2007). Qui écrira le grand roman de la génération Rock'n'roll? Tout n’a-t-il pas déjà été mis en musique, écrit ou filmé?...
Comme film culte, on peut citer celui antérieur à la Fureur de vivre puisqu’il est sorti en 1953 : «L’équipée sauvage » (The Wild One ) avec Marlon Brando dans le rôle de Johnny, chef d’une bande de motards qui roulent de ville en ville dans le seul but de s'amuser comme des gamins, d'attirer l'attention et de déranger les habitants bienpensants. Ils s'arrêtent à une course de motos mais provoquent rapidement la pagaille et le Policier de service leur demande expressément de déguerpir sous peine de se retrouver en prison. Ce qu'ils font sans demander leur reste, en dérobant la coupe du deuxième vainqueur. Ils arrivent ensuite dans une petite ville tranquille dont le Policier local veut éviter les ennuis. La bande s'installe dans le café et vadrouille dans les rues, provoquant un petit accident qui les oblige à rester sur place, le temps d'attendre leur pote blessé se faire soigner. Ce qui ne tarde pas à mettre en colère les habitants les plus obtus et bagarreurs...
Un mot sur Brian de Palma qui réalisa Phantom of paradise (1973) : Reprenant plus ou moins la trame du roman Le Fantôme de l'Opéra, de Gaston Leroux, le mythe de Faust, ou encore Le Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde, le film de de Palma raconte les mésaventures d'un chanteur-compositeur talentueux (Winslow Leach) dont l'œuvre, une cantate intitulée Faust, est volée par la maison de production Death Records appartenant au producteur star, Swan. Ce dernier envisage d'ouvrir son opéra-rock avec les chansons remaniées de Winslow qui va alors entreprendre sa vengeance. La musique est de Paul Williams, saxophoniste de Rhythm and Blues et compositeur. Quelques années plus tard, le même de Palma réalisera Scarface avec Al Pacino. Tony Montana, petit truand expulsé de Cuba, débarque à Miami. Malin et sans scrupule, il entre en contact avec Lopez, un patron de la pègre qui fait le trafic de cocaïne. Ayant attiré sa confiance, il devient un de ses hommes de main, puis son second. Tony, appelé "Scarface" à cause d'une balafre au visage, peut compter sur son ami Manny venu avec lui de Cuba, fidèle allié de son ascension. La musique est de Giorgio Moroder. Il a composé une quinzaine de bandes originales de films et a collaboré (en tant que producteur ou en tant que compositeur) avec des artistes de premier plan comme David Bowie, Eurythmics, Freddie Mercury, Elton John, Sparks ou Debbie Harry (Blondie).Mais c'est avec Donna Summer qu'il connaîtra ses plus grands succès de compositeur et de producteur. Pour n'en citer que quelques-uns : Hot stuff (1979), Bad Girls (1979), le fameux Love to love you baby (1975) ou bien encore I feel love (1977) récemment repris par Madonna dans sa tournée Confessions On The Dance Floor Tour 2006.
On peut aussi citer des films de Scorcese et de Coppola qui montrent cette Amérique du Rock’n roll et, enfin, pour mémoire, la comédie musicale West Side Story : L'histoire rock’n roll est inspirée de Roméo et Juliette de William Shakespeare. A New York, dans les années 1950, deux gangs de rue rivaux, les Jets (américains de la première génération, fils d'immigrés irlandais ou polonais) et les Sharks (d'origine portoricaine), font la loi dans le quartier. Ils se provoquent et s'affrontent à l'occasion. Tony et Maria, chacun d'eux attaché à l'un des belligérants, tombent amoureux, mais le couple doit subir le clivage imposé par leur clan.
Le Rock et le polar ont des histoires parallèles. Le Rock ’n’ roll (pour Rock and roll), ou simplement Rock, est un genre musical qui mêle le blues noir et le Rythm and Blues en premier lieu, avec une culture blanche marquée par la musique country notamment. Le rock devient par la suite une véritable philosophie avec sa cohorte culturelle, du cinéma aux bandes dessinées en passant par la mode vestimentaire. C’est la musique des bandes de mauvais garçons, en jeans et blousons noirs, et des bouseux devenus citadins.
Après les romans Hard boiled (dur-à-cuir), les apparitions presque concomitantes du Rock et du polar correspondent à celles du livre de poche et du microsillon 45 Tours. Si le Jazz est peu présent dans les polars, le Rock'n'roll y a pris une grande place. Avec le Hard boiled , Hammet, Chandler and Co étaient des auteurs Rock ‘n roll avant l’heure et on les retrouve dans les textes des Rockers qui sont aussi des « durs à cuire », sans aucun doute inspirés par cette littérature. Le polar et le Rock ‘n Roll se seraient ainsi interpénétrés et des auteurs de polars d’aujourd’hui seraient des enfants du Rock auquel ils empruntent parfois des standards comme titres de leurs ouvrages. On peut évoquer le mythe américain « Stagger Lee », l’histoire de ce type de la fin du 19ème ou début du 20ème siècle, chauffeur de taxi, pauvre, noir, qui, las de subir le racisme et les humiliations, aurait pris un flingue et tué un shériff, Billy Lyons, qui lui aurait volé son Steton à 5 dollars. De nombreuses versions de cette histoire circuleront. Stagger devient Stagolee, mais surtout l’archétype du pauvre type qui prend sa revanche sociale par la violence.
Ce mythe a inspiré des centaines de titres du Rhythm and Blues au Rock et à la Pop. Certains sont même allés jusqu’à le reconnaître dans Hey Joe de Jimi Hendrix. Greil Marcus est un critique et auteur de livres sur le rock et la Soul music. On trouve ses livres et ceux de Nick Cohn ou Nick Tosches, qui remplissent le même office, aux éditions Allia et parfois en folio Gallimard. On lui doit notamment chez Allia Sly Stone, le mythe de Stagger Lee. A travers Sly Stone, leader d'un des plus fameux groupes de funk dans les années 60 et 70, il retrouve la légende de Stagger lee, le bandit noir, et offre un tableau saisissant de l'histoire de la révolte des Noirs.
Inventé par des Noirs et dérivé du rythm'n blues, le rock fut, dans les années 50, popularisé par des artistes blancs qui reprenaient les musiques des artistes noirs. L'étiquette rock 'n' roll a été d’abord utilisée pour discriminer le Rhythm and Blues des Afro-Américains pour des raisons liées à la politique raciale de l'époque. Il était inadmissible que des artistes blancs soient mêlés sous la même étiquette que les artistes noirs chez les disquaires. Le style particulier du Rhythm and Blues blanc a reçu une nouvelle étiquette « Rock 'n roll ».
Ike Turner, son cousin Jackie Brenston ( proxo et petit voyou sans envergure mais aussi saxophoniste) et leur groupe The Delta Cats rallient Memphis, Tennessee depuis Clarksdale, véritable pépinière de musiciens ; c'est en effet la ville natale de Junior Parker, Bukka White, Son House, John Lee Hooker, Earl Hooker, Jackie Brenston, Ike Turner, Eddie Boyd, Sam Cooke, Willie Brown et Johnny B. Moore. La légende raconte que c'est là que Robert Johnson aurait vendu son âme au diable.
Jackie Brenston et Ike Turner enregistrent Rocket 88 à Memphis le 3 mars 1951.Ce morceau est d’abord une chanson de Rythm and Blues. Elle est inspirée de Cadillac Boogie de Jimmy Liggins. Dans les paroles, Brenston remplace la vieille cadillac par la nouvelle Oldsmobile Rocket Hydra-Matic 88. La mélodie est quasiment la même. Bill Haley enregistre une version de Rocket 88 avec son groupe The Saddle-Men publiée sur le label Holiday en juillet 1951. Il est le premier musicien blanc à faire une reprise d'un n°1 de Rhythm and Blues.
Par la suite, leur disque Rocket 88 sera davantage considéré par certains comme la première chanson de rock'n'roll de l'histoire que le «Crazy Man Crazy » de Bill Haley, même si ce titre est la première chanson rock'n'roll à atteindre le haut des charts. Tous les experts ne sont pas d’accord sur ce point, certains considérant que Rocket 88 reste du Rhythm and Blues. « Il faut mettre une fin ce mythe, malgré ses évidentes qualités ce titre n'est pas le premier Rock and Roll de l'histoire, cela reste malgré tout du R&B. La rythmique de Rocket 88 tient plus du shuffle (rythmique à contretemps) hérité des productions de la fin des années 40. Le Rock and Roll est caractérisé par son rythme particulier, un "eight to the bar" (8 temps par mesure) typique du Boogie mais avec un back beat accentuant le 4ème et le 8ème temps. La variante quatre temps est aussi possible, l'accent étant alors porté sur le 2ème et le 4ème temps ». écrit l’auteur d’un blog Tutti frutti consacré aux musiciens blacks.
Rocket 88, dont la partie vocale a été laissée à Jackie Brenston, a été enregistré dans les mythiques studios Sun Records, célèbres pour avoir enregistré That's All Right Mama, le 1er tube d'Elvis Presley en 1954, pur rock'n'roll également. Ike Turner est connu aussi pour avoir été le mari de la chanteuse Lina Turner qu’il battait. Il est mort, après Brenston et à l’âge de 76 ans, le 12 décembre 2007. Rocket 88 était une voiture américaine (il s’agit de l’Oldsmobile Rocket 88). Les voitures et l’alcool sont présents chez les Rockers. Il y a eu le polar jazzeux , feutré, ambiance whisky et petites pépées. Lui succèdent le polar rock’n roll. Henri Thomazeau cite aussi Robert Johnson, petit guitariste inconnu qui deviendra un grand guitariste de Blues. Il est devenu une légende et une grande source d'inspiration pour des artistes tels que Jimi Hendrix, Led Zeppelin, Bob Dylan, The Rolling Stones ou encore Eric Clapton et Cream. En 2003, le magazine Rolling Stone l'a classé 5ème meilleur guitariste de tous les temps.
En 1951, le disc-jockey Alan Freed anime une émission de radio appelée Moondog's Rock And Roll Party. C'est la première diffusion du rock 'n' roll à une large audience. C'est ce disc-jockey radio qui trouve son nom au rock 'n' roll en reprenant une expression que l'on retrouve depuis les années 1940 dans certaines chansons de Rhythm and Blues et qui signifie en argot « faire l'amour ». Alan Freed est le premier disc-jockey blanc à soutenir avec force des artistes noirs jouant la « musique du diable ». La bonne société américaine en fera son « ennemi numéro 1 » et aura d'ailleurs sa peau en 1959.
Le terme Rockabilly désigne la première forme historiquement identifiable de Rock 'n' roll, il s'agit essentiellement d'un croisement de Rythm and Blues et de musique country. Elvis Presley et Bill Haley sont deux précurseurs chez les chanteurs blancs. Elvis Presley, surnommé The King (« Le Roi » du rock 'n' roll), enregistre ce qui est probablement l'un des tout premiers morceaux de rockabilly avec That's Alright Mama et collectionnera très rapidement les succès, mais, pour les experts, c'est Bill Haley and His Comets qui signent officiellement l'acte de naissance du rock 'n' roll pour de nombreux historiens avec le titre Rock Around the Clock (reprise de Sonny Dae and His Knights, 1952). Ce premier tube de l'histoire du rock 'n' roll qui figure au générique du film Graine de violence est numéro 1 des hit-parades aux États-Unis (8 semaines) et au Royaume-Uni (3 semaines) en 1955. Buddy Holly, Jerry Lee Lewis, Eddie Cochran et Gene Vincent s'engouffrent dans la brèche. Les musiciens noirs restent très actifs grâce à Chuck Berry et Bo Diddley tout particulièrement. N'oublions pas Little Richard, qui sur son premier 45 tours signe quatre des plus grands standards de rock : Tutti Frutti, Long Tall Sally, Rip It Up et Ready Teddy.
Le rock 'n' roll provoque un mouvement de rejet de la bonne société américaine qui croit avoir triomphé de ce mouvement en 1959. On annonce alors la mort du rock 'n' roll et il est vrai qu'aux États-Unis, le mouvement semble s'essouffler. Les chanteurs sont désormais très consensuels et Elvis Presley est institutionnalisé, cantonné aux balades. Le rock 'n' roll continue cependant de se développer sous des formes plus locales et confidentielles comme la Surf music de la côte ouest ou le garage au nord.
Vous pouvez aussi vous procurer l’ouvrage de Benoît Tadié « Le polar américain, la modernité et le mal ( P.U.F) : « Quel rapport entre les discours d'Abraham Lincoln et les enquêtes des privés américains ? Entre les champs de bataille 1917 et les combats de 'Scarface' ? Entre la doctrine de Calvin et les violences de Mike Hammer ? Entre le langage expérimental de Gertrude Stein et l'argot de Sam Spade ? Entre les magazines de pulp fiction et les revues d'avant-garde des années 1920 ? Au rebours des visions séparatistes ou cloisonnées du polar, l'auteur montre que le roman policier américain constitue un genre ouvert sur l'histoire sociale et politique des Etats-Unis, traversé par les mêmes préoccupations linguistiques et stylistiques que la grande littérature de son temps, marqué par les courants de pensée et les idéologies pessimistes nés de la révolution industrielle et de la Première Guerre mondiale : il faut y voir le double noir du roman américain d'avant-garde, avec lequel il est, de Faulkner à Burroughs, resté en dialogue souterrain mais permanent, inventant comme lui un nouveau langage, en rupture avec les normés du XIXe siècle. Cet ouvrage constitue à la fois une étude des formes et de l'évolution du polar pendant son âge d'or (1920-1960) et une réflexion sur sa portée esthétique et idéologique : ses grands auteurs, de Dashiell Hammett et Raymond Chandler à Jim Thompson ou Peter Rabe, ont su renouveler le langage de la fiction populaire pour mettre en équation le mal et la modernité. » Le livre passionnant de Benoît Tadié évite les clichés habituels et les clivages inutiles. En s'appuyant sans cesse sur des exemples, l'essayiste laisse parler les auteurs et propose une relecture éclairante de cette littérature populaire qui continue d'être traitée à part.
L’apparition du Rock remonte aux années 1950. Le roman noir est installé dans la littérature américaine et s’est démocratisé avec l’apparition des livres de poche. C’est aussi l’époque de James Dean, acteur que l’on peut qualifier de Rock’n roll à l’écran comme dans sa vie. En évoquant la littérature et les films sur l’apparition de Rock’n roll, François Thomazeau reprend le mythe du pacte avec le diable scellé d’abord à Clarksdale par le mythique Robert Johnson. Les Rockers seraient entrés en Rock ‘n roll par ce pacte démoniaque, ce qui expliquerait l’hécatombe dans leurs rangs pour causes d’overdose de drogue mais aussi de plomb, puisque plusieurs ont été tués par armes à feu. François Thomazeau établit une filiation avec des écrivains de l’errance comme William Seward Burroughs, Jack Kerouac et Jack London. On peut citer des propos de Kérouac, mort d’une cirrhose et de l’abus de dopants : « Les seules gens qui existent sont ceux qui ont la démence de vivre, de discourir, d'être sauvés, qui veulent jouir de tout dans un seul instant, ceux qui ne savent pas bâiller. » A 15 ans, Jack London commença une vie d’errance. Il fut tour à tour, marin, blanchisseur, chercheur d’or, pilleur de parcs à huîtres. Il retourna aussi à la fac. Puis Il devint garde pêche, chasseur de phoque, alcoolique, vagabond, socialiste. Il alla aussi à l’université et fut petit à petit publier... jusqu’à la gloire (son roman, Martin Eden est très autobiographique). En 1944, Burroughs vit avec Joan Vollmer dans un appartement partagé avec Jack Kerouac et sa première femme Edie Parker. C'est à cette période qu'il entame sa consommation d'héroïne. Il épouse Joan en 1946 avec le projet de fonder une famille. Le 6 septembre 1951, en voyage à Mexico, Burroughs, ivre, tue accidentellement sa femme d'une balle en pleine tête alors qu'il essayait de reproduire la performance de Guillaume Tell, qui fendit d'une flèche la pomme posée sur la tête de son fils. Burroughs est inculpé pour homicide involontaire mais échappe à la prison en rejoignant le Mexique en 1952 puis en vivant des années d'errance ; Principalement connu pour ses romans hallucinés mêlant drogue, homosexualité et anticipation, il est associé à la Beat Generation et à ses figures emblématiques (Jack Kerouac, Allen Ginsberg). On retient aussi de lui son utilisation littéraire du cut-up, technique (mise au point dans une petite chambre d'hôtel rue Gît-le-Cœur à Paris avec Brion Gysin) qui consiste à recréer un texte à partir de bribes découpées et mélangées au hasard, utilisant parfois des fragments d'autres auteurs.
Pour Jean-Bernard Pouy , « Ce qui le sauve, le rock and roll, ce sont l'ostracisme et l'incompréhension. Qui ne sont pas de grandes souffrances, mais plutôt des moments d'atermoiement, puisqu'elles sont constitutives de sa valeur. C'est le seul rapport, a-historique, éthique, évident qu'il a avec la littérature noire. Tout ado énervé, et surtout irresponsable, branchant, dans le garage de son père, une Gibson sur un ampli Marshall, un vrai plan, le seul, contre vents nauséabonds soniques et marées commerciales, ressemble fort à l'auteur qui se met à écrire pourquoi le monde sombre dans la douleur, en des termes moins châtiés que les platitudes à têtes de gondoles fnaquisées, virginophiles et beigbederolâtres. Ne pas oublier que le « hard-boiled » a précédé le « hard-rock ». On peut toujours, littérairement, tenter de délimiter l'équivalent du garage, du destroy et du rockabilly. Peine perdue, ça serait du côté de Genet, Burroughs, Ginsberg, Pelieu, Guyotat, F.J. Ossang et... » L'inscription du rock dans le polar serait moins une question de références que de pulsation dans l'écriture.
Marc Alpozzo écrit : L’esprit rock peut être vécu de plusieurs manières. Certains le vivent au quotidien. Tout est rock’n’roll chez eux : fringues, attitude, langage. Le rock imprègne leur personnalité et leur vie. (« Je n’ai jamais écrit sans écouter du rock à fond la caisse ! » confie Yann Moix) D’autres limitent le rock à leur écriture. » Vous pouvez aller lire son article qu’il conclue ainsi « Révolution générationnelle qui vomit les références passées, qui détruit les idoles, et s’imprègnent des troubles de la civilisation : la littérature rock infiltre tous les genres jusqu’à la SF ou le polar. Normal ! Le rock est une culture de masse ! Décidément, le rock n’est pas mort. Mais le roman non plus.
En France, les premiers romans noirs Rock ‘n Roll sont les polars post-soixant’huitards parmi lesquels certains reprennent comme titres ceux de standards du Rock. Le Jazz pour le flic et le détective, le Rock pour le quidam, et l’ Opéra pour le serial killer… Les rapprochements entre le Rock ‘n Roll et le Polar sont apparus à plusieurs égards comme les mêmes relevés entre le Jazz et le polar. Par ailleurs, on ne peut pas occulter une filiation entre le Rythm and Blues, le Rock’n Roll, le Jazz et le blues. Seul l’opéra nous semble jouer dans une autre catégorie et notamment celles de certains Thrillers. Les goûts musicaux d’un auteur de polars se retrouvent-ils dans son phrasé ? Certainement en ce qui concerne un Rocker dur et pur. Mais ils se retrouvent d'abord dans son mode de vie.
En consultant Wikipédia, on peur lire cette définition : « Le rock 'n' roll (pour rock and roll), généralement raccourci en rock est un genre musical qui mêle le blues noir et le Rythm and Blues en premier lieu, avec une culture blanche marquée par la musique country notamment. Le rock devient par la suite une véritable philosophie avec sa cohorte culturelle, du cinéma aux bandes dessinées en passant par la mode vestimentaire. »
Vous pouvez vous procurer le Dictionnaire raisonné de la littérature Rock, écrit par Denis Roulleau dont nous vous livrons l’accroche : On n’écrit pas " sur " le rock. Mais on écrit rock. Sans même le faire exprès. Parce que c’est ainsi. Parce que, simplement, le rock est comme un prisme. On voit les choses à travers. Il y a donc une littérature rock. Comme il y eut une littérature Beat. Et c’est d’ailleurs peu de dire que l’une est fille de l’autre. Grâce à eux, de Hunter S. Thompson, qui popularisa ce qu’on appela le style " Gonzo " (la vie, la vie avant tout. Et le sexe, les drogues et le rock and roll bien sûr…), à Lester Bangs. De Tom Wolfe à Nik Cohn, les bouleversements des sixties, cette improbable aventure cosmique, ont trouvé les mots pour le dire. En France… ils sont venus les Jean-Jacques Schuhl, Dashiell Hedayat, Yves Adrien. La littérature française qui compte leur doit tout. Comme elle doit tout à Rock and Folk et à peu près rien au nouveau roman. Désolé, c’est ainsi. Denis Roulleau a patiemment compilé, commenté, annoté… Bref, c’est une somme. Et le dictionnaire de ces plumes. Ces plumes qui dansent. ( selon Patrick Eudelin).
Suffit-il qu’il cite des groupes et des morceaux de rock pour qu’un roman soit rock? Nelly Kaprielian pose la question et y répond dans les Inrockuptibles :
« Bref, il ne s’agit pas de parer un personnage des oripeaux folkloriques du rock ni de lui faire citer des morceaux de groupes punk pour que le livre le soit, rock. Toute la littérature transgressive, révoltée, en opposition avec l’ordre et la convention ou les consensus, est « rock » et nous intéresse, parce qu’il ne peut s’agir, par essence, que de vraie littérature. Tombeau pour cinq cent mille soldats de Pierre Guyotat : rock. Et l’on n’y croise pas l’ombre d’une guitare électrique… »
Le Rock, une philosophie ! Le mot est lâché. Le Rock est un « bruit qui pense » et donc donne à penser. Stop ! Stop it !… Don’t stop the Music ! C’est aussi de la musique à écouter et à danser.
Le site sens-critique vous proposait quelques romans au son du rock dont « Back up » de Paul Colize (2012): « Back up est le roman noir d’une génération : des débuts du rock rock’n’roll sur les premiers vinyles des sixties aux dérives narcotiques des seventies, Paul Colize nous fait revivre une époque en France, en Belgique, en Allemagne, au Royaume Uni, à travers le destin d’un homme né avec la Seconde Guerre Mondiale et que l’explosion créative des années soixante va façonner. Les années sexe, drogues et rock rock’n’roll constituent la toile de fond de ce polar rempli de fausses pistes, mélangeant le réel et la fiction au son des Rolling Stones, des Beatles ou des Who. Maîtrisant les allers et retours avec le passé et le présent, Paul Colize brosse les contours d’une formidable machination sur fond de guerre du Vietnam, en semant le doute jusqu’au final exceptionnel. »
A Marseille, un lieu cultive l’association « rock and littérature » : LOLLIPOP MUSIC STORE, 2 Boulevard Théodore Thurner, 13006 Marseille. Dans son actualité nous avons noté la sortie du livre "Nitrate, Rock urbain". Sa présentation par l’éditeur commence comme ceci : « Where were U in '78 ? C'est cette année-là que NITRATE R.U. surgit dans le paysage rock phocéen, durant les manifestations lycéennes… sous le régime de Valéry Giscard d'Estaing (...). Le punk rock a pris son essor et le Clash et les Sex Pistols ont donné le ton : pas de futur pour Elvis, les Beatles et les Stones ! Ceci au cœur d'une époque contrastée et agitée, aussi bien dans l'Hexagone qu'au Royaume-Uni… » Le 10 mai 2024 sera l'occasion pour le public marseillais – dans les locaux du LOLLIPOP MUSIC STORE à Marseille – d'assister à l'ultime reformation de NITRATE R.U. dans le cadre exclusif de la sortie du livre, en présence de ses protagonistes : Patrick Coulomb et François Thomazeau (éditeurs et rédacteurs) ainsi que Pierre Prouvèze, témoin historique de la "Nitrate era" (78-84), et auteur de toutes les (nombreuses) photographies de cette époque, illustrant ce recueil.
Les éditions Ancre Latine propose « Blue Café » qui est un clin d’œil à Chris Réa et à sa chanson dont c’est aussi le titre. Il chante :
I will meet you at the Blue Café
Because, this is where the one who knows
Meets the one who does not care…
Je vous donne rendez-vous au Blue Café
Parce que, c’est là que celui qui sait
Rencontre celui qui s’en fiche...
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