Si Jean-Claude Izzo a fait monter le polar marseillais à Paris et si Philippe Carrèse pouvait mettre en avant la publication de « Trois jours d’engatse » (Collection Misteri de l’Editeur corse Méditorial) antérieure à celle de Total Khéops (1995), ce débat sur l’antériorité des uns et des autres n'a pas lieu d'être car il faut remonter beaucoup plus loin. Il faut remonter avant la première guerre mondiale pour retrouver les pionniers de ce polar régional : Pierre Yrondy et Jean-Toussaint Samat.
Mais, avant de les évoquer, nous avons retrouvé dans un livre « Ma belle Marseille » écrit par Carlo Rim en 1934, l’inspecteur Hyppolite Gugliero , alias « Maurice » de la Sûreté urbaine de Marseille, qui aurait pu inspirer le personnage récurrent d’une série policière si Carlo Rim ne s’était pas arrêté à une courte présentation dans un livre sur Marseille. Pour la petite histoire, ce livre est dédié à un ami César Campinchi et comprend un chapitre satirique sur la Corse, si présente à Marseille. Nous ne parlerons pas de cette évocation de l‘Île de beauté, décrite parfois avec lyrisme par Carlo Rim mais aussi avec un humour qui, sans en prendre conscience, véhiculait déjà à l’époque une image fausse et négative du Corse reprise aujourd’hui , sans humour et en toute conscience, par des Franchouillards porteurs d’un racisme rampant. Nous citerons simplement, dans cet opus léger, les paroles du Commandant Orlandi , qui sur le Cyrnos, ressemblait à Neptune et disait à Carlo Rim , journaliste : « C’est la première fois que vous allez en Corse. Bien entendu, vous n’y resterez que quatre jours, vous photographierez la chaise à porteurs de Laetitia Bonaparte et les Calanques de Piana. Vous interrogerez une jeune paysanne de Palmeca que vous appellerez Colomba et un jeune chasseur de Monte d’Oro que vous prendrez pour Matteo Falcone ou pour Spada. Et puis, vous écrirez un article définitif. »
Au début du 20ème siècle, pour des raisons économiques et leur île essentiellement agro-pastorale n’offrant que peu de débouchés professionnels, de nombreux Corses s'expatrient et certains s’installent dans les quartiers autour du Vieux-Port, comme celui du Panier. Ces Vieux-Quartiers sont détruits pendant la deuxième guerre mondiale, ils se dispersent dans toute la ville en profitant de leur ascension sociale une progression sociale. Certains sont fonctionnaires, avocats ou médecins. D’autres s'introduisent dans le milieu marseillais. En 1965, une estimation chiffre à plus de 100 000 les Corses vivant à Marseille. La cité phocéenne est baptisée « capitale des Corses ». Il nous semble naturel de s’intéresser à la genèse du polar marseillais qui a connu un essor national avec Jean-Claude Izzo mais a des racines plus lointaines.
Le milieu marseillais est entré dans l'imaginaire collectif national dès l'entre-deux-guerres et depuis lors associé à l'image de la ville, il fait l'objet d'une littérature abondante et inspire de nombreuses fictions. Ce n'est qu'à partir des années 1930 que l'on peut réellement parler de pègre ou de milieu marseillais.
Revenons donc à l’inspecteur Gugliero, flic marseillais des années 1930, tel que décrit par Carlo Rim, aux Editions Denoël et Steele (6ème édition en 1934) :
Extrait :
« L’inspecteur Gugliero, le chapeau sur le menton, les épaules mouvantes, traîne, en soufflant, son ombre. Trempée de sueur, sa chemise de soie ne laisse rien ignorer du torse musclé et dodu de lutteur japonais, et ses pieds élégamment chaussés se posent infailliblement sur les pavés les plus hauts, les plus larges, les plus secs de cette rue sans trottoir, que mille seaux de toilette, vidés par les fenêtres, transforment chaque matin en une répugnante caricature de Venise.
Un bistrot. — Adieu, Maurice !
Un marchand de jujubes. — Monsieur Maurice, si vous les aimez ?
Une fleuriste (qui porte sur son dos une grande couronne s’œillets naturels) — Vè, monsieur Maurice, le beau mort que je me suis fait ! »
Un nègre en smoking (mais sans col).— Salou, missiè Maurissè !
Maya.— Ce que tu me plais, monsieur Maurice !
— Ils m’appellent Maurice, probablement parce que je me nomme Hippolyte, m’explique l’inspecteur. C’est vraiment un pays marrant — tragique à ses heures, sûr pour nous autres. Ah ! Quel métier et nous sommes payés, il faut voir ! Quand je passe au guichet, à la fin du mois, jai tellement honte, que j’ai envie de tout laisser au caissier, en pourboire, et en m’excusant de ne pouvoir faire mieux. Y a aussi les frais de recherches, quand j’en parle, je sens que je vais me trouver mal : deux mille francs à partager entre 340 inspecteurs.
— Par jour,
M. Maurice me fusille d’un regard oblique — Par mois !
« L’inspecteur Gugliero, fataliste, fait, de sa main ornée d’un aveuglant diamant, d’un geste qui signifie : Après tout, zut !
— Heureusement, poursuit-il, que monsieur Cals est un patron à la hauteur. Des chefs de la Sûreté comme lui, ça ne court pas les rues, ou plutôt, si, ça court les rues ! On n’est pas des bureaucrates, mais des aventuriers !... Il y a des journalistes qui se croient malins en comparant Marseille à Chicago ! Laissez-moi rire. Tous les ans une espèce de major de la police américaine vient se balader ici, en voyage d’étude. Il repart sur le cul avec sa serviette bourrée de rapports et de notes ! C’est lui qui a publié dans une revue de son pays un article qui a mis enfin les choses au point : Chicago est un petit Marseille !... »
Carlo Rim est né le 19 décembre 1905 dans le Gard et il est décédé le 3 décembre 1989 à Peypin dans les Bouches du Rhône. Il a été dessinateur, essayiste, journaliste, romancier, parolier, photographe, directeur de revue, scénariste et auteur - réalisateur. Il a laissé le souvenir d’un homme pétri d’humour et d’un scénariste, auteur - réalisateur qui a travaillé avec les plus grands acteurs comme Fernandel, Jean Richard, Dary Cowl, Danielle Darieux, Robert Lamoureux, Eddy Constantine, Bernard Blier, Louis De Funés, Yves Robert (son acteur fétiche qui est passé de l’autre côté de la caméra en devant réalisateur dans la même lignée que Carlo Rim ) et nous ne pouvons tous les citer. Il les a presque tous rassemblé dans le film à sketches « Escalier de Service » (1954). On peut citer dans sa filmographie des titres comme L’armoire Volante ( Fernandel ) , Le petit Prof ( Dary Cowl), Simplet ( Fernandel), Justin de Marseille , L’amant de paille, 27 rue de la paix, Miroir , le sketch de la gourmandise dans Les 7 péchés capitaux., Virgile. En 1956, il réalise le film « Truand » dans lequel Cora Vaucaire chante « La balade des truands ». Il a été parolier et notamment de la complainte des infidèles sur une musique de Georges Van Parys et dont le premier interprète était Mouloudji. Il était dessinateur et , dans un pamphlet intitulé « Monsieur Parlement », il est l’auteur d’une caricature du président Auriol. Il faut aussi évoquer les documents illustrés contemporains, publiés sous sa direction et donc la collection a fait le point sur l’actualité, les tendances et l’avenir du cinéma français, à l’occasion du cinquantenaire de l’invention de cinématographe. Enfin, pour le plaisir, quelques citations de lui :
— « On lui prêté du génie, mais il ne le rend pas »
— « Au cinéma, bon dialogue ne se paie pas de mots. »
— « Certains hommes, comme certaines lunettes, sont à double foyer. »
Carlo Rim a écrit le scénario et les dialogues du film « Justin de Marseille », réalisé par Maurice Tourneur en 1935, un polar autour du port autonome de Marseille. Le synopsis : « Marseille, sa vie, ses habitants, son port. Lors du débarquement du bateau Le Mauritanie éclate un incident. Une bande de malfrats s'empare d'une cargaison d'opium cachée dans le siège d'un passager invalide et l'emporte sous le feu nourri des douaniers. L’évènement crée l'émoi dans la presse et dans le milieu car la marchandise était destinée à la mafia chinoise. Justin, figure notoire du tout Marseille, lui-même chef de gang, n'apprécie pas ce coup d'éclat qui fait des vagues et désorganise le marché de la contrebande. Il apprend bien vite que l'auteur du vol est Esposito, ambitieux parrain napolitain, et prend sur lui de le remettre à sa place ».
Si le cinéma et l’actualité ont fait de Marseille un haut lieu du banditisme, le polar marseillais trouve sa préhistoire chez deux auteurs : Pierre Yrondy et Jean-Toussaint Samat.
Marius Pegomas , détective marseillais crée par Pierre Yrondy :
D’abord, il faut expliquer le patronyme Pegomas qui est aussi le nom d’une petite ville entre les massifs de l’Esterel et du Tanneron, dans la région de Grasse et le département des Alpes Maritimes. Le mot provençal de « Pegomas » signe la « pégue » , la colle provençale. Ce mot a donné Pégon pour désigner un individu collant dont on ne peut pas se débarrasser. Voilà une indication sur l’acharnement du détective Marius Pegomas lorsqu’il a un os à ronger.
Son créateur Pierre Yrondy a créé ce personnage récurrent qui a fait l’objet de la parution de 35 fascicules connus aux Editions Baudinière. Tel qu’il apparaissait en illustration, il s’agit d’un personnage faisant les 30 à 40 ans, cheveux noir coupés courts et coiffés vers l’avant , portant une petite moustache bicéphale et une barbichette partant en pointe du milieu de la lèvre supérieure pour s’évaser sur le menton. Il a les yeux bleus très clairs, sourcils, barbes et moustaches soignés, le visage rond, le nez plongeant et fin. De ses lèvres bien dessinées, sort une pipe droite qu’il serre dans ses dents, crispant donc les mâchoires, ce qui a pour effet de faire descendre les commissures des lèvres donnant à la bouche une impression de sourire inversé, alors que le front fuyant marqué par quelques rides est soucieux.
Les 35 fascicules, publiés en 1936 par L’éditeur Baudinière, étaient vendus 1 francs. Nous avons retrouvé les titres : Les gangsters de la joliette – Le crime de l’Etang de Berre – Le trafiquant d’opium – Ficelé sur le rail – L’ogresse de la Canebière – L’étrange aventure de M. Toc – Les bijoux de Lady Merry – L’énigme de Monte Carlo – La terreur d’Aubagne – Un drame au Palis du Cristal – Le naufrage du Sphinx – Un vol de 3 millions – L’aveugle de N-D de la Garde – Le bout de cigare – Une disparition de Bourse – Un mariage tragique – Le Mystère du cabanon – Le revenant d’Aix – Les ciseaux d’argent – Le moulin sanglant – Les incendiaires de La Ciotat – Le doigt coupe – Le Roi de la neige – Une macabre distribution – Le vampire de Martigues – Un cimetière dans le jardin – Le sourire de mort – Un enlèvement audacieux – Le cœur percé – Le village malade – Le Tyran de Nîmes – Une atroce machination - Le laboratoire diabolique – Un dangereux bandit.
Pierre Yrondy est aussi l’auteur de pièces de théâtre comme « Un crime, les fusillés de Vingré » sur la guerre 14/18 pièce de 1924 et « Sept ans d’agonie – le martyre de Sacco et Vanzetti » pièce de 1927. Nous avons trouvé aussi une histoire vécue avec le titre de l’ouvrage : « De la cocaïne… au gaz ! », roman publié par les Editions Baudinière en 1934.
Jean Toussaint SAMAT et ses polars régionaux :
Un auteur contemporain marseillais Jean Contrucci a obtenu le prix de roman policier Jean -Toussaint SAMAT en 2003 avec son roman « L’énigme de la Blancarde ». Ce prix est un hommage au père des romans polar marseillais puisqu’il a publié son premier opus « L’horrible mort de Miss Gildchrist » en 1932 avec lequel il fut lauréat du prix du roman d’aventure. En 1928, il avait déjà co-écrit un ouvrage engagé sur les trafics d’armes et d’hommes sous le titre « Aux frontières de l’Ethiopie ». Après son premier roman, il enchaîne les titres avec d’abord « Circuit fermé » en 1933. Il écrit deux romans d’espionnage en 1934 : « Les espionnes nues » et « L’espionne au corps bronzé ». Il revient au roman policier en 1935 avec « Circuit fermé » et « Le mystère du Mas piégé ». En 1946, il publie plusieurs polars : « La mort du vieux chemin » , «Le mort de la Canebière », « Le mort à la fenêtre » et « Le mort du vendredi saint »; en 1947 « Erreurs de caisse » ; en 1949 « Le mort et la fille »…
Maguelonne Toussaint-Samat est la fille de l'écrivain Jean-Toussaint Samat, dont elle achève en 1949 le dernier roman, Le Mort et sa fille, et de la traductrice Renée Vally-Samat2. Journaliste, elle est également directrice de la collection de romans policiers La Main rouge éditée par les éditions des Deux-mondes. En 1950, elle publie Concerto pour meurtre et orchestre, qui a été repris en feuilleton par le Journal littéraire (2004-2005). Le résumé : Le piano préluda une phrase que le trio des saxophones reprit en sourdine, soutenus par les rythmes, tandis que le chef se disposait à attaquer sa partie, mais, à l'étonnement de son orchestre qui le suivait du coin de l'œil, il fit la grimace et prit un air surpris pour souffler avec plus de vigueur... Alors, d'un mouvement brusque, il rejeta son instrument, porta les mains à son cou, tandis que la trompette descendait les marches de la scène en tintant lugubrement dans le silence.
Jean-Toussaint Samat a publié la plupart de ses romans policiers dans la collection «Cagoule » des Editions La Bruyère. Nous avons retrouvé une édition de « Le mort de la Canebière », Les Editions de France avec en première page la contre-indication «… à ne pas lire la nuit ! ».
Et quelques décennies plus tard…
« Marseille est très loin de la France profonde engourdie dans ses principes. Métropole orientale, flibustière et vaguement métèque, elle présente le visage ambigu d’un monde pétri de misères et d’ambition » selon Maurice Gouiran, auteur marseillais qui ajoutait :« Le terme de polar marseillais recouvre une production très hétérogène et n’a donc aucune signification. Par contre, compte tenu de la publication foisonnante de romans noirs sur Marseille… nous pouvons nous interroger sur les raisons de cet engouement… Pour le polar, Marseille est plus qu’un décor, c’est souvent une héroïne (sans mauvais jeu de mot) parce que cette ville possède, pour des raisons à la fois historiques, économiques, sociologiques et politiques, tous les ingrédients du (bon) roman noir… » (un article consacré au polar de la revue culturelle de la ville de Marseille n°213 de juin 2006). Les raisons sont les nombreuses migrations avec la constitution de familles, de clans avec des éléments au sang chauffé par le soleil qui exacerbe les haines et les passions dans la tradition méditerranéenne entre esbroufe et obstination, fraternité et conflits, vengeance et violence sur fond de misère sociale avec des poussées xénophobes dans des relations intercommunautaires pourtant paisibles. Une ville, terre de drames et de tragédies, donc de littérature noire.
Hervé Julien écrivait dans un article du site My Provence : Les auteurs se saisissent de l’identité de la ville pour y ancrer leurs histoires et leurs personnages, en rupture avec la caricature qui la représente à cette période, tel le “grand flic” N’guyên Van Loc dit « Le Chinois » dont la série réalise des records d’audience sur TF1 à partir de 1992. En février 1994, Les Chapacans de Michèle Courbou (publié dans la Série noire de Gallimard) ouvre le ban, suivi par Trois jours d’engatse de Philippe Carrese (fin 1994 chez Meditorial). Total Khéops de Jean-Claude Izzo paraît en janvier 1995 (dans la Série noire), La faute à degun de François Thomazeau clôturant ce quatuor (en juillet 1996, également chez Méditorial).
Le polar marseillais contemporain édité d’abord en Corse :
Nous aimons rappeler que le premier polar de Philippe Carrese « Trois jours d’engatse » a été édité par un éditeur ajaccien Méditorial, collection Misteri… en 1994 soit un an avant Total Kheops de Jean-Claude Izzo. C’est pareil pour François Thomazeau dont les deux premiers polars ont été édités par le même éditeur : La faute à Dégun et Qui a tué monsieur cul. Le pionnier de l’édition de la noire made in Corsica est Paul-André Bungelmi qui a repris ensuite son activité professionnelle. Il a aussi édité des auteurs corses comme Ange Morelli, Elisabeth Milleliri et Marie-Hélène Cotoni.« A l’époque (1992), dit Philippe Carrese, j’ai envoyé le manuscrit à plus de trente maisons d’édition, y compris "Fleuve Noir". Tous l’ont refusé. J’ai croisé Paul André Bungelmi, en corse, un type adorable qui me l’a pris mais qui a été dépassé par le succès du livre. Fleuve Noir a repris la suite en moins de quinze jours. Paul André est un vrai méditerranéen, il a tout de suite tout compris, tout mon coté "sudiste" que pas mal de parisiens ont encore beaucoup de mal à cerner ».
Et François Thomazeau ajoute : « Je ne connaissais Carrese que de nom et j'ai atterri chez Méditorial parce que ma mère avait vu un reportage sur "Trois jours d'engatse" sur France 3 Marseille. C'est elle qui m'a forcé à envoyer le manuscrit de Dégun à Méditorial. Comme Carrese, je ne rendrai jamais assez hommage au patron de cette maison, Paul-André Bungelmi, un honnête homme comme on n'en fait plus. »
Marseille est resté le point fixe de Jean-Claude Izzo.. « son biotope, l’épicentre de sa destinée personnelle et littéraire », écrit Daniel Armographe dans la même revue. Jean-Claude Izzo qui a fait monter le polar « marseillais » à Paris, a tracé les chemins de sa géographie humaine de Marseille et, poète sur les traces de Rimbaud, en a saisi l’âme. Le photographe Daniel Mordzinski a fait des photographies de Marseille dans un ouvrage Le Marseille d’Izzo avec des textes d’Izzo
L’éditeur Gallimard a sorti en juin 2006 la Trilogie de Fabien Montale dans la collection Folio, préfacée par Nadia Dhoukar qui avait déjà présenté une thèse de littérature française sur le pouvoir de fascination du personnage dans le roman policier, à partir des personnages d’Arsène Lupin, de Jules Maigret et de Nestor Burma. Captivée par les personnages récurrents du roman policier, c’est naturellement qu’elle a croisé le chemin de Fabio Montale.
Une étude sur le polar marseillais a été faite par Alain Guillemin, chargé de recherche au CNRS, est membre du GRAL (Groupe de recherche sur l’art et la littérature) au sein du LAMES (Laboratoire méditerranéen de sociologie) rattaché à la Maison méditerranéenne des sciences de l’Homme d’Aix-en-Provence. Il est aussi chercheur associé à l’IRSEA (Institut de recherche sur le Sud-Est asiatique) de Marseille où il étudie les relations littéraires entre la France et le Vietnam.
Son étude « Le polar « marseillais ». Reconstitution d'une identité locale et constitution d'un sous-genre » débute ainsi : « L’histoire que vous allez lire est totalement fictive. Elle se déroule dans une ville imaginaire située à 20 km d’Aubagne et à près de 800 km de Paris, c’est-à-dire quasiment aux antipodes, dans les territoires vierges et exotiques propices aux aventures dépaysantes. Cependant, pour plus de commodité nous appellerons cette cité « Marseille » pour qu’il y ait d’engatse de comprenette pour dégun… » On peut reprendre comme un conclusion cette fin : « Les polars marseillais nous parlent du monde, plus précisément de cette petite portion du monde que l’on a coutume d’appeler Marseille. Et ils nous disent des choses « vraies » sur Marseille. Mais cette vérité n’est pas celle des sociologues. En effet, le but de l’écrivain n’est pas seulement de dire le vrai ou de décrire le réel mais de créer de la beauté. De ce fait, il passe implicitement avec ses lecteurs un pacte particulier, le pacte esthétique qui n’exige que la vraisemblance ; l’attestation de fictivité au service d’une cohérence formelle. À la différence du pacte référentiel des historiens ou des sociologues qui, lui, suppose une adéquation au réel assortie de procédures de vérifications. En conséquence, on ne saurait reprocher à l’écrivain, ici à l’auteur de polars, de s’écarter du réel des sociologues et à ses lecteurs de ne pas exiger qu’il le fasse. Carrese, Courbou, Izzo, Thomazeau et leurs successeurs, chacun selon son génie propre, pourraient reprendre à leur compte cette boutade de Giono dans Voyages en Italie : « Je ne décris pas le monde tel qu’il est, mais tel qu’il est quand je m’y ajoute, ce qui ne le simplifie pas ». (Le polar « marseillais ». Reconstitution d'une identité locale et constitution d'un sous-genre | Cairn.info)
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