Le Marteau sans maître, 1934
Commune présenceT
Le Marteau sans maître, 1934
Commune présence
Tu es pressé d'écrire,
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S'il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi.
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie,
La vie inexprimable,
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir,
Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses,
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur,
Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride,
En t'inclinant.
Si tu veux rire,
Offre ta soumission,
Jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption,
Sans égarement.
Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.
Hâte-toi d’aller à l’Isles-sur-Sorgue pour prendre les chemins de Char longeant cette rivière et remonte jusqu’à la source ! Suis le parcours de l'homme et de l'écrivain ! Remonte du texte à ces « paysages premiers ». Parallèlement, découvre les grands thèmes de l’œuvre qui ont trouvé dans le travail des peintres, ceux que le poète nommait ses « alliés substantiels », ce prolongement auquel il était particulièrement sensible comme en témoignent ses manuscrits enluminés et ses éditions de bibliophilie ornées de gravure. « L'essentiel est sans cesse menacé par l'insignifiant. » nous dit-il.
René Char, né le 14 juin 1907 , une parole disséminée « en archipel » selon son expression dont chaque atoll mystérieux est doté d'une furieuse force volcanique. « Dans le tissu du poème doit se trouver un nombre égal de tunnels dérobés, de chambres d'harmonie, ainsi que d'éléments futurs, de havres au soleil, de pistes captieuses et d'existants s'entr’appelant. Le poète est le passeur de tout cela qui forme un ordre. Et un ordre insurgé. »
René Char a toujours aimé vivre en marge de la société. Enfant, il se lie d'amitiés avec les "matinaux" sortes de vagabonds vivant au rythme des jours et des saisons. Le 20 février 1928 paraissent ses premiers poèmes aux Editions Le Rouge et Le Noir (il aimait d'ailleurs beaucoup ce roman de Stendhal) sous le titre "Les cloches sur le cœur", poèmes écrits entre 15 et 20 ans.
Pendant l’Occupation sous le nom de Capitaine Alexandre, il participe, les armes à la main, à la Résistance, « école de douleur et d’espérance ». Il commande le Service Action Parachutage de la zone Durance. Son QG est installé à Céreste (Alpes de Haute Provence). Le recueil qu'il en tire Feuillets d’Hypnos peut se lire comme des « notes du maquis ».
Le poète meurt d'une crise cardiaque le 19 février 1988. En mai de la même année, paraîtra un recueil posthume "L'éloge d'une soupçonnée ".
"Nous commençons toujours notre vie sur un crépuscule admirable.", ainsi débute le poème "Suzerain", extrait de "Fureur et mystère", que René Char se remémore dans les rues de l'Isle-sur-la-Sorgue, lors d'un portrait diffusé dans Champ libre le 20 novembre 1967.
«Hâte-toi ! Hâte-toi de transmettre Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance » Extrait de Commune présence, René Char.
Une classe du Lycée Professionnelle Ampère à Marseille a fait le voyage et ces élèves ont transmis leurs écrits dans un recueil édités par leur professeur avec, pour titre, « En territoire non cadastrable ». Les élèves se sont approprier ce territoire qu’est la poésie et leur recueil se veut être un hommage à René Char, après s’être immergés dans « le soleil des eaux » de la Sorgue pour y découvrir in situ le pays cher au poète, en vivant une expérience unique dans cette « vallis clausa» de Fontaine de Vaucluse.
De René Char à Jean-Claude Izzo...
Jean-Claude Izzo, auteur célèbre, écrivait d’abord des poèmes avant d’écrire des polars. Sa « Trilogie marseillaise » a pour héros l'enquêteur Fabio Montale, policier déclassé et fils d'immigrés appréciant la poésie, le jazz, la pêche et les femmes, et dont le nom a été inspiré à Izzo par le poète italien Eugenio Montale. Par ailleurs, Fabio Montale cite souvent un poète marseillais, Louis Brauquier dont le recueil « Je connais des îles lointaines » offre, dans certains poèmes, des morceaux de littérature noire comme, pour exemple, celui-ci :
Dans une rue passe un vivant
Avec tout son sang dedans
Soudain le voilà mort
Et tout son sang est dehors…
Ou encore…
Puissance de l’alcool, de la rue et des bouges
Puissance des cartes et de l’argent !
Le coup de revolver qui claque,
Sur le port…
Lorsque le poète fait passer dans ses vers une ombre sociale ou un point de vue engagé, il est dans le même esprit que l’auteur de romans noirs pour qui l’intrigue et les anecdotes sont des éléments certes importants mais formels du cadre littéraire. C’est le lecteur qui jugera de la valeur littéraire de l’ouvrage en dépit du fond social et des idées qu’il véhicule. Il faut rappeler que la littérature noire se veut populaire mais que des romans noirs peuvent être bien écrits. Des auteurs écrivent d’ailleurs aussi bien dans la Noire que dans la Blanche. Dans le roman en général, on trouve de la bonne et de la mauvaise littérature sans considération des genres. Dans une anthologie présentée par Roger Martin, on peut lire au sujet du genre noir comme étant universel : " Cette universalité « société, police, crime, nature humaine » permet d’avancer que le genre policier, qu’il soit français, anglais, espagnol, russe ou japonais, s’abreuve à des sources communes, auxquelles bien entendu, il convient d’ajouter celles propre au génie et à l’histoire de chaque peuple ".
Les élèves de la même classe du Lycée professionnel Ampère sont passés de la poésie de Char à un atelier d’écriture de huit nouvelles policières, dans le cadre d’un projet « Café Polar, en liaison avec une exposition sur le café prévue au MUCEM, ainsi qu’une séquence réalisée sur le roman policier, ayant pour support « Debout les morts »de Fred Vargas. L’incipit « Pierre il y a quelque chose qui déraille dans le jardin… » a servi de phrase d’ouverture aux différents récits des élèves. Ceux-ci ont eu aussi pour consigne d’évoquer le café dans leurs textes collectifs. L’intervention de plusieurs auteurs de polars avait permis, parallèlement, d’illustrer la place qu’occupait fréquemment ce lieu et/ou cette boisson dans ce genre romanesque.
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